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Les NFT et l'industrie de la musique
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Les NFT et l'industrie de la musique

Par 5 mars 202256 vues

Les NFT et l'industrie de la musique

Dans le grand boum des NFT de 2021, la révolution n’a pas échappé à l’industrie de la musique qui était plus que désireuse de trouver d'autres sources de revenus avec la pandémie de COVID-19 qui a effectivement coupé les musiciens de leurs principales sources de revenus : les spectacles en direct et les ventes de marchandises. Cependant, l'acceptation des NFT par l'industrie ne devrait pas vraiment surprendre. Après tout, le business de l'industrie musicale a toujours été lié à la technologie, et les acteurs de cette industrie se sont toujours adaptés pour suivre le rythme.

Vous avez sans doute entendu parler des achats et ventes records des artistes musicaux pour des NFT de type collectibles (Snoop Dogg, Grimes, Steve Aoki etc...) ou encore de l'achat de PleasrDAO, actif dans le monde des cryptos, qui s'est offert l'album unique du Wu Tang Clan. Mais on assiste aussi à la création de NFT musicaux, ou de véritables morceaux sont vendus par les artistes.

Cette année, plus que toutes autres auparavant, des artistes bien établis et prometteurs ont réalisé qu'ils pouvaient s'adresser directement à leurs fans et vendre des versions uniques et symboliques de leurs chansons, albums et œuvres d'art. Plus que cela, il semble que ces artistes puissent se créer de nouveaux profits sensiblement élevés. En tant que type d'actif numérique, les NFT offrent aux créateurs une nouvelle façon de commercialiser et de vendre leur contenu, élargissant les possibilités de diffusion et de consommation de l'art, de la musique, de la littérature et plus encore. Les NFT vendus peuvent, au-delà de l’aspect collection, permettre aux fans d’accéder à des événements, des exclusivités, en bref, faire partie d’une petite liste « d’ultra-fans ».

Les ventes sont estimées à plus de 60 millions de dollars entre juin 2020 et avril 2021, dont 55 millions des ventes ont été réalisés entre février et avril 2021. Les ventes sont majoritairement représentées par la musique électronique (80 % des ventes), suivie de loin par le hip-hop (8,6 %) et le rock (6,7 %). Si nous devions faire un top 10 des artistes ayant le plus de succès avec leur NFT, on retrouverait alors huit artistes , un artiste pop et un rappeur. Le premier, avec près de 17,5 millions de dollars, est un DJ et producteur américain « 3LAU ». Celui-ci a vendu 5 900 NFT pour environ 2 960 dollars par jeton.

Sur Internet, les marketplaces de NFTs explosent. La start-up française Pianity a saisi l'opportunité et s’est spécialisée dans les NFTs musicaux. Le site permet d’acquérir des éditions limitées, de soutenir directement l’artiste que l’on aime ou encore de simplement spéculer sur des œuvres. Nous pouvons lire sur le site que : « Pianity introduit de nouvelles possibilités en certifiant la propriété d'un actif numérique. Ici, tu es en mesure de gérer ta carrière de manière indépendante, en utilisant la technologie pour atteindre tes fans. ». Il s’agit donc d’une marketplace très orientée sur la découverte et la création de carrières d’artistes.

Il s’agit donc de relever qu’au-delà d’un marché spéculatif, qui rappelle celui des cryptos monnaies, les NFTs peuvent à terme devenir un nouvel outil d’indépendance, d’autoproduction des artistes. En s’associant aux garanties de la blockchain, tout ceci devient inviolable et créé de la confiance, sans même évoquer la relation nouvelle qui se crée entre l’artiste et ses fans, un lien direct de financement sans l'intervention d'un label ou du secteur de la distribution.

Il convient cependant de rappeler que tout n’est pas parfait. Au-delà des scams, pour certains projets NFT, vous n’achetez pas forcément l’œuvre, mais parfois le simple droit de la télécharger ou d’avoir des contenus premiums pas si exclusifs... Ainsi, vous pouvez acheter simplement un fichier audio en avance qui sera sans valeur le jour de la diffusion publique (la hype tournant alors autour de la confidentialité qui ne tient jamais très longtemps). Il faut donc bien vérifier ce que l’on acquiert.

Deuxième problème, l’effet de mode ramène beaucoup d’investisseurs sans considération artistique pouvant créer une bulle spéculative sur une carrière entière. On peut aussi encore parler de la méfiance du monde virtuel prôné par le rappeur Kanye West qui demande à ce que l'on arrête de lui parler de NFT car  « mon objectif est de construire de vraies choses dans le monde réel ». Il faut indiquer cependant qu'il termine son message par « Demandez-moi plus tard »... 

Dans tous les cas, et comme pour le marché pictural des NFT (collectives, crypto-art), il s’agit sans doute de problèmes liés à l’immaturité du marché qui disparaîtra lentement avec son évolution et sa normalisation dans notre société.

Quelques grands projets NFT dans le monde de la musique

Commençons par le premier projet d'ampleur : celui de 3LAU dont nous avons évoqué le record ci-dessus. Même si les NFT musicaux existaient avant 2021, il est le premier artiste musical à créer entièrement un album sous forme de NFT qu'il vend en février 2021 dans une division de 33 NFT uniques, pour une somme de 11,7 millions de dollars. La détention de ces NFT permet différents avantages comme la possibilité d'obtenir un vinyle en édition limitée ou encore un accès à des titres inédits. Artiste peu connu en France, c'est pourtant lui qui va lancer la mode des NFT dans le monde de la musique.

En mars 2021 c'est au tour d'un groupe de rock, Kings of Leon, de sortir pour la première fois en simultanée un album physique et son équivalent NFT. En utilisant la plateforme Yellow Heart, ils ont généré 820 ETH (à ce moment l'équivalent de 1,45 million de dollars). Des versions exclusives de l'album, des illustrations numériques uniques et des laissez-passer de concert à vie ont été offerts dans le cadre de la vente.

Le DJ Don Diablo est aussi entré dans l'histoire des NFT musicaux en 2021, en proposant un concert sous forme de NFT sur la plateforme SuperRare. Vendu 1,26 million de dollars "Destination Hexagonia" est une vidéo d'une heure qui présente des visuels dans le style des œuvres de science-fiction avec des décors en 3D. Diablo a déclaré que « l'objectif était de créer un plateau live inspiré de la science-fiction de niveau supérieur avec une approche cinématographique en tant qu'œuvre d'art futuriste unique ».

Plus récemment, Snoop Dogg a annoncé après l'achat de Death Row Records que celui-ci « sera un label NFT. Nous allons sortir des artistes via le metaverse (et donc par le biais de la réalité virtuelle ou augmentée). Comme nous l’avons déjà fait en cassant l’industrie en devenant le premier label indépendant majeur, je veux être le premier label majeur dans le metaverse. ». De plus, Snoop Dogg, grâce à un nouveau partenariat avec Gala Games Music, va créer un album NFT : "B.O.D.R" ("Bacc on Death Row") qu'il proposera à la vente sous forme de box de NFT sur le Gala Music Shop.

NFT Musicaux et droits d’auteur


Être propriétaire d’un NFT musical vous donne-t-il le droit de le diffuser librement et d’en récolter divers fruits ? Non, tout du moins pas directement. En France, la propriété intellectuelle distingue l’œuvre des droits d’auteurs (pour aller plus loin, vous pouvez consulter notre article spécialisé sur la propriété intellectuelle)


Ainsi, la société française Pianity que l’on a évoquée ci-dessus précise sur son site que le droit d’auteur « est totalement séparé de cette mise en vente. Le collectionneur achète un exemplaire unique d’un morceau, pas la composition elle-même, dont les droits sont entièrement conservés par l’artiste. Aucun droit à la reproduction ou à l’exploitation de la composition d’origine n’est lié au NFT. »


Cependant, aux États-Unis, certains NFT peuvent inclure aussi une part de royalties. Par exemple, depuis le 11 janvier, le rappeur Nas, s’inscrit comme le premier artiste à avoir mis en vente les droits de deux singles en NFT « Ultra Black » et « Rare ». Cela est une grande première car, si plusieurs artistes ont déjà vendu leur musique sous cette forme, donner la possibilité de posséder les droits de diffusion de manière continue sur des œuvres musicales est inédit. Dans cet exemple, les acheteurs peuvent devenir des ayants droit d’une partie des droits de redevance de streaming des deux morceaux.


Cela va pouvoir permettre de véritables investissements sur l’avenir d’un morceau où les acheteurs participeront à la production par l’achat d’un NFT et pourront en obtenir une rémunération en obtenant des parts des royalties si l’artiste perce.


L’avenir des NFT dans le monde de la musique


Les NFT musicaux continueront de révolutionner la façon dont les artistes et les consommateurs créent une communauté ensemble par le lien direct entre auditeurs/fans et nouveaux musiciens. Cela changera sans doute la trajectoire de beaucoup de carrières musicales en devenir. Les NFT ont fait sensation en 2021, créant un effet d'entraînement ressenti dans les industries de la technologie, de la finance et de la création artistique. Pourtant, l'industrie de la musique à elle seule semble présenter le test décisif le plus éclairant sur la façon dont la technologie blockchain pourrait faciliter, dans un futur proche, la co-création et l’apparition d’une nouvelle « copropriété » de la propriété intellectuelle.

Pourquoi cela est important ? Car l’industrie musicale, qui est basée sur de la consommation artistique, est toujours en pleine croissance avec un chiffre d’affaires en 2021 de 21,6 milliards de dollars. Elle a donc la possibilité de renverser complètement l’adoption massive des NFT.

Avec l'adoption généralisée des NFT ces derniers mois et alors que certaines des marques les plus influentes s'impliquent sur le marché non-fongible, un changement de paradigme au sein de l'industrie de la musique semble donc de plus en plus pertinent.

Botticelli
Rédacteur

D'une formation universitaire en droit et histoire de l'art et spécialisé dans le droit du marché de l'art, je m'intéresse au droit fiscal entourant les NFT ainsi que les problématiques de propriété intellectuelle mais aussi aux nouveaux marchés de l'art digital.