Quelques notions juridiques pour les futurs créateurs de collection NFT
Nombreux sont les créateurs souhaitant mettre en ligne leur propre collection de NFT et qui s’interroge sur le pan juridique et fiscal d’une telle création. Comment se protéger ? Est-il nécessaire de constituer une société et quelles en sont les conséquences fiscales ? Nous essaierons à travers cet article de vous donner quelques éclairages sur ces problématiques.
Les conditions générales de ventes
Dans la plupart des projets NFT sérieux, un site web est disponible avec un onglet présentant les conditions générales de ventes (CGV). Celles-ci peuvent être une mine d’information pour l’acheteur comme nous avons pu le voir dans un article que vous pouvez consulter ici.
Rédiger ses propres conditions générales de vente est important non seulement pour vous sécuriser, mais aussi pour donner au potentiel acheteur toutes les informations légales nécessaires qui vont instaurer un climat de confiance sain dans un marché méfiant qui reste gangrené par les scams.
Les CGV sont généralement organisées en rubriques comme ci-dessous, ici en anglais, comme la plupart des projets NFT :
- Définitions : cela va permettre de définir tous les mots techniques qui entourent la vente afin que vendeurs et acheteurs s’accordent sur le sens des termes utilisé et éviter des malentendus.
- Acceptation : une rubrique qui permet d’informer l’acheteur sur ce qu’il accepte en achetant un ou plusieurs NFT. Cela encadre aussi les responsabilités de chacune des parties.
- Purpose : le but, ce à quoi le projet tend et généralement l’utilité des NFT (c’est la rubrique qui va le plus s’inspirer de la roadmap)
- Purchaser’s obligations : cette partie va réglementer ce que l’acheteur peut faire et ne peut pas faire en lui précisant que l’achat vaut acceptation des CGV. Exemple : la perte de certains avantages si une mauvaise utilisation des NFT a été faite.
- The Sale & Price : Il s’agit de présenter les modalités de la vente (date et heure) et conditions d’achats (nombre de mint possibles etc). C’est aussi ici que le prix est strictement défini pour le/les mint.
- Warnings : on retrouve dans cette rubrique une reprise des messages de préventions concernant les risques d’investissement, mais aussi les définitions de responsabilité face aux risques technologiques (des bugs par exemple) et autres événements indépendants de la volonté du créateur.
- Privacy : c’est la partie sur la gestion de vos données personnelles qui doit être en adéquation avec le droit en vigueur. Généralement, le créateur va indiquer que l’acceptation des CGV emporte une acceptation d’autorisation de la collecte et du partage de certaines de vos données personnelles à des fins commerciales ou non.
Cette liste non-exhaustive peut être complétée par différentes autres rubriques spécifiques, notamment sur la possibilité ou non pour l’acheteur d’utiliser son NFT à des fins commerciales par exemple.
Les créateurs peuvent donc, comme cela a déjà été fait par certaines collections, choisir de céder les droits des œuvres originelles aux différents acquéreurs des NFTs de leur collection. Cela va d’ailleurs créer un certain engouement autour de cette dernière, car les acheteurs seront d’autant plus impliqués dans la promotion de la collection avec ces avantages.
Il est généralement prévu dans le smart contract, ou du moins cela devrait a minima l’être, que ces droits, annexes à la propriété du NFT en lui-même, se transféreront automatiquement à chaque fois que les NFTs seront transmis de vendeur à acheteurs.
Le smart contract est un système qui va permettre cette exécution automatique d’événements, d’actions ou de décisions au moment où les conditions d’exécution qu’il prévoit sont remplies.
La rédaction des conditions générales de vente en anglais n’est pas une obligation légale. Cependant, dès lors que vous les imposez, des dispositions qui réglementent ces CGV sont à respecter.
Ainsi, vous pouvez être sanctionné si vous vous retrouvez dans des cas de figure comme une absence d’une mention obligatoire ou encore une non-communication partielle des CGV.
Au niveau des sanctions, les personnes physiques sont pénalisées d’une amende qui va jusqu'à 150 000 € tandis que les sociétés peuvent être condamnées à 75 000 €. De plus, un client qui prouve un dommage, lié à des conditions générales de ventes différentes que celle qui était prévue pour un autre client de la même catégorie, à la possibilité d’un recours pour pratiques discriminatoires.
En conclusion, ne pas traduire ses conditions générales de vente en anglais n’est pas puni par la loi, mais il faut noter que s’attacher à rendre disponible le texte aux clients dans leur propre langue est une pratique intéressante et donnant une certaine confiance.
Les messages de préventions
Siuvent postés en bas de toutes les pages du site, les messages de préventions indiquent aux potentiels acheteurs les risques liés à l’investissement. Ce message d'avertissement est une obligation légale. Il est souvent ajouté à ce petit paragraphe un renvoi vers les conditions générales de vente.
Un exemple de formule : « La vente de nos NFT est réservée uniquement aux personnes ayant leur pleine capacité juridique. En participant à cette vente, vous comprenez que l'achat de NFT peut être affecté par des risques économiques, notamment une perte de capitale partielle ou totale. En aucun cas, l'émetteur ne pourra être tenu pour responsable d'éventuelles pertes ou modifications ultérieures du prix des produits. »
Projet NFT = création de société ?
Une des premières questions que va se poser un futur créateur sera celle de la constitution ou non d’une société avec ou sans associés ou collaborateurs. Nous allons donc envisager deux cas de figure : la vente d’une collection avec ou sans société.
Créer et vendre une collection sans société
Face aux difficultés de création d’une société, il est tout à fait envisageable qu’une équipe travaillant sur un futur projet NFT ne souhaite pas se lancer dans des difficultés administratives, qui peuvent être plus ou moins coûteuses, à un stade où les créateurs ne savent pas si leur collection aura un succès suffisant pour couvrir ces coûts.
Pour autant, ne pas créer de société n’est pas non plus sans efforts juridiques, car il est nécessaire d’établir certains contrats afin de protéger l’équipe du projet NFT.
Si vous avez lu nos articles sur le droit de propriété intellectuelle, vous aurez pu remarquer la naissance de litige au sein d’une même équipe dû à un manque de prévoyance. Ainsi, sans rédaction d’un contrat de collaboration, entre un artiste et un développeur ou le créateur, prévoyant la cession de droits d’auteur, vous vous exposez à une possibilité de conflit avec les designers après le succès d’une collection.
ATTENTION : concernant les droits d’auteur, le droit de la propriété intellectuelle interdit la cession d’œuvres futures. Article L131-1 du Code de propriété intellectuelle dispose que « la cession globale des œuvres futures est nulle ». Il sera donc nécessaire de rédiger des avenants pour toute création ne rentrant pas dans le champ contractuel. D’autres contrats sont aussi envisageables sans création de société, il s’agit pour la plupart du temps de contrats de prestations de services pour rémunérer le travail de développeurs, graphistes ou administrateurs indépendants.
Quels avantages à la création d’une société ?
Dans un projet NFT, l’équipe créatrice peut trouver un intérêt à détenir les droits sur les œuvres de base, les créations pures en quelque sorte, qui donneront par la suite naissance à leurs NFTs. Pourquoi ? Car les créateurs peuvent prévoir d’exploiter commercialement les œuvres dans diverses formes si la collection a du succès (vendre l’image à une marque, créer des goodies etc…)
Dans ce cas, si l’équipe émettrice de NFTs peut disposer d’un intérêt à détenir les droits patrimoniaux des œuvres, la situation peut être compliquée en l’absence de création de société qui va réunir le ou les designers et les autres membres du staff. La création d’une société permet l’union de plusieurs personnes physiques en une seule entité, une seule personne morale. En l’absence de cette réunion entre l’artiste et les autres membres de l’équipe, une cession sous contrat des droits sur les œuvres devra donc intervenir une fois tous les futurs NFTs créés.
On observe alors que ne pas créer de société ne vous permettra pas de vous défaire du droit, car de nombreux contrats seront alors à prévoir et dans des délais pouvant être courts notamment pour la rédaction des avenants. Si vous choisissez la création de société en amont, le droit français peut considérer les productions artistiques comme des œuvres collectives dans le sens de l’article L113-2 alinéa 3 du Code de propriété intellectuelle qui dispose :
« Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».
Quel est l’intérêt ici ? Il s’agit en fait d’une simplification permettant la détention par la société des droits attachés aux œuvres collectives. Ainsi, la personne morale que vous aurez créée sera propriétaire des droits et non l’artiste seul car l’article L113-5 du Code de propriété intellectuelle nous indique que : « L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée [et que] cette personne est investie des droits de l’auteur ».
L’intérêt protecteur de la constitution d’une société
Comme nous l’avons vue, la création d’une société permet la naissance d’une personne morale indépendante du gérant, de l’équipe. C’est cette personne morale qui disposera de responsabilité et d’un patrimoine propre. Et le bénéfice est très important, car cela permettra de protéger le patrimoine personnel de l’équipe qui composera cette société en cas de mise en jeu de la responsabilité. Dans la constitution d’une société à responsabilité limitée, lors d’un litige, seul le patrimoine de la personne morale pourra être soumis aux procédures civiles d’exécutions (saisies) et non le patrimoine personnel du créateur.
Ainsi, dans le cas contraire où un litige naît alors que vous n’avez pas constitué de société à responsabilité limitée, vous pourriez exposer votre patrimoine à des pertes importantes, voire colossales si le préjudice est grand.
Afin d'avoir une protection importante, la combinaison avec des conditions générales de vente claires et complètes vous permettra de mettre à l’abri votre patrimoine ainsi que celui de la société.
Une création de société permettant l’organisation juridique de l’équipe
Une société ne sert pas qu’à simplifier les relations avec les clients ou se protéger juridiquement, elle permet aussi de gérer les droits et devoir de tous les collaborateurs. Vous ne serez jamais à l’abri des conséquences de divergences entre membres de l’équipe qui peuvent poser des problèmes juridiques importants. (Abandon de poste, divulgations d’informations, détournements etc). Pour les gérants, la rédaction d’un pacte d’associés permet d’encadrer le fonctionnement de la société ainsi que de déterminer les droits et obligations qui vont régir les rapports entre les associés.
Ce pacte d’associés va notamment attribuer les rôles et permet à un niveau comptable la gestion parfois épineuse de savoir comment devront être gérées les crypto monnaies récoltées que ce soit celles de la vente initiale (maint) ou des royalties.
Des règles fiscales différentes entre particulier et société
- Petit point sur la fiscalité des particuliers
À titre introductif, il convient de souligner que pour les particuliers vous aurez vite fait de penser à la flat tax (vous pouvez consulter notre article dédié ici). Cependant, une plus-value suppose un achat d'un NFT pré-existant et une revente. Cet impôt concerne donc les particuliers qui font de l’achat-revente de NFTs, et donc ne touche pas les particuliers qui créent des NFTs.
Attention, il existe une limite pour bénéficier du statut de particulier : l'activité à titre occasionnelle. En effet, si l'activité dépasse le cadre occasionnel, le particulier sera imposé au barème prévu par l’impôt sur le revenu (ici, il s'agit de la catégorie des BIC : bénéfices industriels et commerciaux).
Le particulier aura aussi dans ce cas la possibilité de créer sa micro-entreprise pour bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse. Cependant, il convient de noter qu'il s’agit d’une entreprise individuelle, donc composée d’une seule personne, et non d’une société regroupant un associé voire son équipe entière.
- La fiscalité des créateurs de NFT
En tant que premier maillon du marché, les particuliers créateurs de NFTs ne réalisent pas de plus-value au sens fiscal du terme et ne peuvent donc être soumis à la Flat tax. Ainsi, de la même manière que les particuliers effectuant du trading de NFTs à titre habituel, ces créateurs peuvent être imposés par l'intermédiaire de l'impôt sur le revenu ou selon les modalités des micros entreprises.
Il faut donc en conclure que si vous ne créez pas votre société avant le mint, tous les membres qui reçoivent une part du mint devront s'acquitter de l'impôt qu'il choisira ci-dessus selon sa situation.
- La fiscalité des NFT pour une société
Pour les sociétés, le régime d’imposition applicable ne sera pas non plus celui de la flat tax. En effet, la plupart des sociétés sont imposées selon les règles de l’impôt sur les sociétés. Cependant, il peut arriver que certaines sociétés soient plus rarement imposées à l’impôt sur le revenu (cela dépend du type de société et du but ex : les sociétés à responsabilité limitée dites ''de famille").
Si la société est soumise à l'impôt sur les sociétés, les bénéfices tirés de la vente seront donc imposés selon les règles de cet impôt (pour le barème français : vous pouvez vous renseigner ici). Cela peut être intéressant dans la mesure où le bénéfice imposable est obtenu après avoir soustrait du chiffre d’affaires notamment les rémunérations et charges sociales ainsi que les charges déductibles liées à l’activité de la société (loyers, factures etc...)