Régulation des NFT : État des lieux et avenir
Vous avez sans doute très souvent lu ou entendu, à propos des NFT et des crypto monnaies, le terme « régulation » pour évoquer les réformes juridiques entourant et encadrant ces nouveaux actifs numériques. En France, les réformes en droit interne (décrets et lois) peuvent être impulsées non seulement par le Gouvernement (projet de loi) ou par le pouvoir législatif (proposition de loi) mais aussi par des lois provenant de l'Union européenne qui s'impose à notre droit interne.
C’est ainsi que la loi dite « MiCa » a été proposée au vote devant la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen le lundi 14 mars. Celle-ci visait notamment par certains amendements d’interdire le Proof of Work (Bitcoin et Ethereum) et réglementer très strictement les actifs numériques dont les NFT.
Cet amendement a été rejeté par une majorité de parlementaires (32 voix contre et 24 voix pour). Cependant, cela ne change en rien la volonté de créer des mécanismes de régulation et d’encadrement des actifs numériques, et donc des NFT, en France. On notera que la loi MiCa et la régulation européenne dans sa globalité ne sont pas remises en question et se feront sûrement dans le courant de l'année.
Nous allons donc essayer de vous présenter un tour d’horizon de ces phénomènes de régulation des NFT en ce début d’année 2022 en envisageant notamment l’étude de la loi de finance de 2022 qui présente des évolutions fiscales notables.
L’intérêt d’une régulation
Pour comprendre l’intérêt juridique des différentes volontés de régulations des NFT, il convient d’abord de souligner les enjeux légaux qui posent problème. Pour comprendre la problématique même de la qualification juridique des NFT, c’est-à-dire ce qu’est un NFT en droit français, nous vous invitons à lire notre article dédié.
Il s’agit dans cet article de prendre le point de vue du détenteur de NFT. Nous n’évoquerons pas les arguments visant à restreindre drastiquement voire interdire les actifs numériques, mais ceux visant à encadrer les NFT pour protéger l’acheteur/collectionneur.
Une problématique intéressante se trouve sûrement dans la reconnaissance du NFT et de la technologie blockchain comme titre légal de propriété : tout comme les objets physiques, certaines personnes veulent être considérées comme les propriétaires officiels d’œuvres numériques, ce qui n’est pas forcément le cas.
En effet, l’un des premiers arguments pour les NFT va être la certification sans faille des détenteurs et des transactions. Cependant, il n’y a aucune transcription des garanties offertes par la technologie blockchain en droit français.
Il faudrait donc insérer une loi reconnaissant, avec l’adresse du détenteur, que le NFT et son smart contract sont un titre de propriété supérieur à la présomption simple de propriété pour les détenteurs d’un actif mobilier. (Article 2276 du Code Civil : « En fait de meubles, la possession vaut titre »). Il faut de plus encadrer strictement les conditions générales de vente abusives des créateurs de NFT se réservant, sans le mentionner clairement, la propriété des NFT malgré l’achat du client (interdiction des clauses abusives se réservant des doits exorbitants par rapport à l'acheteur).
À cela, s’ajoutent les problématiques liées à la fiscalité, à la propriété intellectuelle ou encore à la lutte contre les arnaques et le blanchiment d’argent qui gangrène le marché. (Nous vous renvoyons à nos articles traitant précisément ces sujets : Fiscalité / Propriété intellectuelle / Problématiques des procédures judiciaires)
Ainsi, alors qu’il existe plusieurs intérêts à acheter ou créer un NFT, son utilisation n’est pas encore appréhendée juridiquement à 100 % aujourd’hui. Le régime applicable demeure, à ce jour, imprécis mélangeant crypto monnaies et NFT et indiquant clairement une présomption d’un environnement frauduleux, ce qui n’est pas le cas en pratique.
Les perspectives d’avenir
Une première avancée légère a été évoquée dans notre article sur la réforme autorisant la vente aux enchères publiques des NFT, qui sous-tend à reconnaître la place de ces actifs numériques particuliers dans le marché de l’art d’aujourd’hui.
Il faut aussi noter la proposition du député Pierre Person pour un amendement dédié aux NFT pour le projet de loi de finance 2022. Dans cette demande, les produits de la vente d’un NFT devaient être imposés selon le régime fiscal applicable à l’actif sous-jacent par exemple le régime des œuvres d’art ou celui de la musique. Cet amendement fut adopté en commission, mais malheureusement retiré en séance publique. Ce refus a été expliqué de manière assez lunaire, arguant que cela viendrait à dissocier les NFT des crypto monnaies dans leur regroupement « actifs numériques » aujourd’hui en vigueur, alors qu’il s’agit justement du problème de fond…
Cependant, cette loi de finances pour 2022 va introduire un nouveau régime fiscal pour les NFT, mais il est à noter que cela ne sera applicable qu’à partir du 1er janvier 2023 et plus précisément, uniquement aux cessions et plus-values réalisées à compter de cette date.
La loi de finance 2022
Afin de mieux saisir toutes les subtilités des évolutions proposées par cette loi de finances 2022 pour 2023, nous vous renvoyons au régime fiscal en vigueur expliqué dans cet article. Ajoutons que la loi distingue deux types de ressources sans les définir précisément : les gains occasionnels soumis à la flat tax et les gains habituels dépendant du régime des bénéfices industriels et commerciaux.
Sont occasionnels les gains réalisés par des particuliers lorsqu’ils correspondent à une activité non répétée. Même si l’appréciation est faite au cas par cas, il faut entendre par là soit des petits gains sur des petits investissements ou bien quelques opérations sur l’année.
En revanche, si vous multipliez les transactions, cela sera assimilé à des actes de commerce par la forme qui sont imposables au régime des bénéfices industriels et commerciaux ce qui augmente sensiblement la note fiscale.
Tout cela bien en tête, nous allons voir ce que le législateur va changer avec la loi de finances pour 2022 visant à clarifier le régime fiscal des actifs numériques (cryptomonnaies et NFT compris) :
Dans le cadre des gains occasionnels sur des actifs numériques, les gains sont imposés au titre prélèvement forfaitaire unique, mais le contribuable pourra opter chaque année pour l’application du barème progressif de l’impôt sur ses plus-values (donc au choix du régime le plus favorable, si vous n’êtes pas imposable à l’impôt sur le revenu vous pourrez ne payer que les prélèvements sociaux, soit 17.2% par exemple).
Avec son article 70, la loi de finance pour 2022, va créer un article 92-2-1°bis [15] dans le Code Général des Impôts qui dispose qu’en cas d’opérations habituelles sur des actifs numériques, les gains seront imposés au barème de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et aux prélèvements sociaux, sous déduction, au choix, d’un abattement de 34 % (régime micro-BNC) ou des frais liés à l’activité (qui renvoi ici au régime de la déclaration contrôlée).
Ce dernier régime se fonde principalement sur celui des transactions en bourse effectuées à titre professionnel et donc, en mettant de côté l’activité de minage de crypto monnaies qui reste soumise aux régimes des BIC, les investisseurs et traders cryptos professionnels seront imposés selon le régime des bénéfices non commerciaux. Permettant une meilleure compréhension, ce nouveau régime fiscal qui sera applicable à partir du 1er janvier 2023 nous permet d'envisager plus de clarté fiscale. L’on remarque aisément à travers le travail législatif de ces dernières années que toutes les réformes tendent bien plus à la fiscalité qu’aux autres branches du droit pour les NFT.
Même s'il est regrettable que différents projets de loi ne soient pas déposés pour voir une véritable reconnaissance juridique des NFT, il est probable qu’avec le développement de ces jetons non-fongibles, le législateur prenne conscience rapidement qu’un encadrement législatif ou une clarification de son régime soit nécessaire pour sortir de ces problématiques juridiques afin de permettre une protection de toutes les parties de ce marché très porteur.